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Temoignage : urgence environnementale au sud-kivu

18 Décembre 2019

(Photo : Vision saisissante d'un gorille sur des vestiges de forêt tropicale au PNKB © SESGOMO - Les gorilles se déplacent en quête de nourriture et reviennent sur leurs spots habituels, même si ceux-ci ont été déboisés...)

De retour de République Démocatique du Congo après deux mois de mission, Xavier GILIBERT, de l’ONG de terrain Objectif Brousse, dresse un état des lieux alarmant sur la déforestation rapide qui touche aujourd’hui les sanctuaires abritant les derniers gorilles de montagne. Si 10 ans après l'année internationale du gorille dans le monde les nouvelles sont plutôt bonnes du côté des Virunga, du parc national de la forêt impénétrable de Bwindi (Ouganda) et de la réserve naturelle des Sarambwe qui enregistrent une augmentation des populations de gorilles de montagne (Gorilla beringei beringei), la situation est en revanche beaucoup plus inquiétante dans le Parc National de Kahuzi-Biega qui abrite le gorille de Grauer (Gorilla beringei graueri), l'autre sous-espèce du gorille de montagne.

Faisant le constat sur place d’une relation de cause à effet directe entre la situation des pygmées et l’abattage massif d'arbres millénaires de ces forêts, il en appelle à une prise de conscience et une mobilisation urgente de la communauté internationale pour sauver ce patrimoine naturel mondial en péril.

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LE PARC NATIONAL DES VIRUNGA ET LE PARC NATIONAL DE KAHUZI-BIEGA

(Photo : Des gorilles de Grauer, sous-espèce du gorille de montagne endémique de la RDC © Objectif Brousse)

Le Kivu, qui se découpe aujourd'hui en 3 provinces (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema) est une région à l'Est de la République Démocratique du Congo frontalière de l'Ouganda, du Rwanda et du Burundi. Au Nord-Kivu on trouve le célèbre Parc National des Virunga et au Sud-Kivu la majeure partie du Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB). Ces parcs nationaux font partie du patrimoine naturel mondial en péril car ils abritent entre autre les dernières populations de gorilles de montagne.

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UN PATRIMOINE NATUREL MONDIAL GRAVEMENT MENACE PAR LA DEFORESTATION

(Photo © SESGOMO - La déforestation assèche aussi les tourbières, ces zones humides qui sont des puits de carbone qui absorbent le CO2)

En mission au Sud-Kivu auprès des pygmées en Octobre-Novembre 2019, Xavier GILIBERT a fait le constat alarmant d'une déforestation sauvage qui touche le PNKB et menace l'habitat de la faune sauvage. La RDC concentre plus de 50% des forêts d'Afrique et est le second poumon vert de la planète avec l'Amazonie : elle fait partie de notre patrimoine mondial en péril.

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LES PYGMEES CHASSES DES FORETS

(Photo : © SESGOMO )

Les pygmées, peuple au mode de vie traditionnel et nomades des forêts, vivaient au contact direct des gorilles dans l'enceinte du Parc National de Kahuzi-Biega avant d'en être chassés lors de deux vagues successives en 1945 puis en 1974-1975 pour, pensait-on alors, permettre une meilleure  conservation des primates. Exclus au point d'être communément appelés localement les 'sans terres' et jamais indemnisés pour leur sortie des forêts, ils se sont établis dans des villages en périphérie des grands parcs nationaux et militaient pour un retour dans ces forêts dont on les avait dépossédés.

Ce retour sur leurs terres d'origine, appuyé par divers intervenants dont certains tirent profit de la situation et des ONG de défense des peuples autochtones dépassées, s'est finalement fait de force quand ils ont décidé de retourner vivre dans les forêts sans demander l'avis de personne... sauf qu'ils ne connaissent plus la forêt qu'ils considèrent maintenant comme un champ à exploiter coûte que coûte.

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CONSTAT D'ECHEC DU RETOUR DANS LES FORETS

(Photo © SESGOMO - Le bois issu de la coupe sauvage d'arbres souvent millénaires est utilisé pour faire des planches et du charbon de bois, principal combustible utilisé pour faire la cuisine et se chauffer)

Après avoir rencontré les communautés pygmées locales, Xavier GILIBERT fait le constat sur place d'une situation catastrophique et de l'échec cuisant de cette tentative de retour aux sources du 'peuple des forêts'.

Au-delà du diagnostic d'une situation complexe dans laquelle tout le monde a une part de responsabilité, il est urgent d'acheminer de l'aide alimentaire en priorité aux cinq villages pygmées dont sont issus la majorité des gens qui se sont installés en forêt et qui fournissent la main d'oeuvre à l'entreprise de déforestation du PNKB pour la production de charbon de bois. Ces villages sont dans une situation humanitaire alarmante avec 9 enfants sur 10 souffrant de malnutrition et des convois d'aide alimentaire du Programme Alimentaire Mondial qui n'arrivent pas.

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DEFORESTATION ET EXPLOITATION DES PYGMEES

(Photo : © SESGOMO - Xavier et un pygmée)

Les pygmées se sont lancés dans une entreprise de déforestation systématique sur le territoire du PNKB pour produire du charbon de bois utilisé comme combustible pour le chauffage et la cuisine. Chaque semaine ce sont des hectares de forêt qui partent en fumée et des dizaines de camions chargés à ras bords de charbon qui partent au départ des villages... Le peuple des forêts, lancé à corps perdu dans cette production au coût environnemental exorbitant, en est maintenant devenu le fossoyeur, lui-même exploité car les pygmées ne tirent que de maigres revenus de cette activité.

Outre la disparition des arbres eux-mêmes et au risque d'accélérer encore le réchauffement climatique, la déforestation ouvre la boîte de Pandore en mettant également à nu et en asséchant les nombreuses tourbières de la région alors même que ces zones humides sont des puits naturels de carbone qui jouent un rôle clé dans la capture du CO2 mondial généré par les activités humaines. La destruction de cet habitat naturel est une véritable catastrophe qui relèguerait presque au second plan la disparition des gorilles !

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UN ACCORD TROUVE A LA COUR ROYALE MAIS...

(Photo ©SESGOMO - Les accords de Kalehe)

Il y a aujourd'hui urgence à faire sortir les pygmées des forêts en les établissant sur des terres qu'ils pourront exploiter et en les accompagnant sur le développement d'activités agricoles ou de production de 'boules de braise'. Les budgets nécessaires pour l'achat de la dizaine d'hectares de terres sont dérisoires par rapport aux sommes englouties dans le désastre environnemental et humanitaire actuel...

Pour parer à cette situation intenable, un premier accord a été négocié le 25 Novembre 2019 à la Cour Royale pour acter la sortie des pygmées de Kalehe du territoire du PNKB et s'établir sur des terres agricoles qu'ils pourraient exploiter. Reste maintenant à obtenir les fonds nécessaires pour l'achat des terres nécessaires tout en évitant le drame humanitaire en gestation : il est vital que la communauté internationale se mobilise de toute urgence pour d'une part assurer l'acheminement de l'aide alimentaire jusqu'aux familles pygmées concernées et qui sont dans un état d'urgence humanitaire absolue ; et d'autre part permettre l'achat des terrains où établir durablement ces communautés en les accompagnant avec un apprentissage des techniques agricoles nécessaires, le développement de ruches pour produire du miel et encourager la production de 'boules de braise' (des boules d'argiles mélangées à de la sciure). A titre d'exemple cette production a permis la création de plusieurs milliers d'emplois dans le Nord-Kivu et plus au Sud, les pygmées des trois principaux villages de Kabare ont quitté la forêt et se sont également lancés avec succès dans la production de ce combustible qui permet d'économiser 75 % de charbon.

Au sujet du charbon de bois et pour être complètement cohérent avec la lutte contre la déforestation sauvage, les ONG internationales et tous les corps d'Etat devraient d'ailleurs montrer l'exemple en faisant le choix fort et engagé de se fournir en charbon de bois propre dont on connaît la provenance. Alors que tout le monde consomme du charbon de bois dont personne ne connaît l'origine, il existe notamment à Labotte dans la ville de Bukavu le magasin Charki (Charcoal Kivu), un producteur de charbon de bois issu de l’agroforesterie (à peine quelques centimes plus chers) qui ne trouve pas de débouchés économiques...

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UN DEVOIR MORAL D'AIDE AUX PYGMEES

(Photo : Portrait de Pili-Pili, un pygmée icône du PNKB et pionnier de l'habituation des gorilles de Grauer, cette sous-espèce du gorille de montagne endémique de ce pays qui représente plus de 50% des forêts d'Afrique © SESGOMO)

Aider les pygmées ne serait qu'un juste retour des choses tant ils ont contribué historiquement à la sauvegarde des gorilles de montagne. Pionnier de l'habituation des populations de grands singes à la présence humaine, c'est le pygmée Nemeye qui était le pisteur de Dian FOSSEY aux Virunga. De même les familles de gorilles de Grauer (sous-espèce du gorille de montange endémique de la RDC) n'ont pu être approchées dans le Parc National de Kahuzi-Biega que grâce au pygmée Pili-Pili qui les connaissait bien et a continué à les protéger au péril de sa vie alors même que la région était en proie à des conflits mortels.

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IL EST URGENT D'AGIR !

(Une photo symbole de paix ! Alors que les pères sont morts lors de heurts entre gardes et pygmées, des veuves de gardes et de pygmées réunies et leurs petits orphelins posent ensemble pour une photo à Tshivanga avant de se rendre à la Cour Royale © SESGOMO)

Depuis 2004 l'ONG de terrain Objectif Brousse et son Directeur Xavier GILIBERT travaillent à protéger les gorilles de montagne en menant des actions et des programmes en association avec la société civile auprès des populations et communautés locales qui vivent au plus près des grands singes car elles sont les premiers protecteurs de ce patrimoine mondial en péril - qui est avant tout le leur.

Création des Casques Verts, campagnes contre le braconnage ou encore la création de la synergie des écoles du secteur des gorilles de montagne (SESGOMO) pour scolariser les enfants orphelins de pygmées et de gardes de parcs : Objectif Brousse s'est jusqu'à présent toujours débrouillé pour mener ses actions avec ses partenaires locaux sans solliciter d'aide extérieure.

Toutefois, alors que la Cop 25 vient de se solder par un échec dans l'indifférence des principaux pollueurs mondiaux et que l'Amazonie est un sujet qui semble avoir été mis de côté, la RDC, second poumon vert de la planète, doit plus que jamais être une priorité car il est encore possible d'y agir - mais sans attendre !

Xavier GILIBERT en appelle solennellement à une action urgente de la communauté internationale qui doit se mobiliser pour la République Démocratique du Congo, représentant de la francophonie en 2012, et aider les communautés autochtones !

La Page Facebook de Objectif Brousse

Contact : objectifbrousse@gmail.com

Faire un don à Objectif Brousse (via Paypal - déductible fiscalement)

 

Crédit photo : ©SESGOMO

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