La mygale, l'amie de vos cauchemars arachnophobes

ATRAX ROBUSTUS, LA MYGALE AUSTRALIENNE ERRANTE QU'IL NE FAIT PAS BON CROISER

Soyons objectif, il est certain que la mygale a moins de potentiel que le chaton ou le bébé phoque pour nous émouvoir, et quand on s’intéresse aux mœurs de certaines de ses représentantes, on trouve effectivement assez aisément de quoi la prendre en horreur. Prenons ainsi Atrax robustus, la mygale australienne ('Sydney funnel-web spider' dans la langue de Shakespeare), que l’on trouve donc à foison dans la banlieue de Sydney. Mesurant 5 à 7 cm de longueur, elle n’a pas de poils, a une apparence trapue et deux crochets proéminents très puissants capables de percer un vêtement, une chaussure ou un ongle. Surtout, les mâles, plus petits, sont extrêmement dangereux : Atrax robustus fait partie des trois espèces d’araignées (avec la Veuve Noire, et les Loxosceles, que l’on trouve en Amérique) dont la morsure est officiellement mortelle pour l’homme. Agressifs et nomades, les mâles se mettent en quête à la nuit tombée de proies et surtout de femelles et s’il pleut, ils vont alors se réfugier dans les habitations, multipliant les risques de rencontres avec l’homme. Mieux vaut alors avoir sous la main l’anti-venin créé en Australie à base d’anticorps de lapins, à s’injecter dans l’heure qui suit la morsure pour être efficace.

MYGALE COTE FACE, UN PAISIBLE ET TIMIDE ARACHNIDE

Il existe plus de 2.000 espèces de mygales et hors l’Arctique, on en trouve de toutes tailles et sur tous les continents, Europe incluse. Ce qui la différencie des autres types d’araignées, c’est le fait que ses chélicères sont verticaux, parallèles à son corps et dirigés vers l’avant. Certaines espèces sont arboricoles, d’autres se terrent au sol dans des terriers et des cavités qu’elles aménagent en les couvrant de toile. Ce sont des prédateurs nocturnes qui à la faveur de la nuit vont chasser à l’affût d’autres insectes, des grenouilles, des lézards voire des petits serpents ou des oiseaux. Malgré leurs huit yeux, elles ne voient pas très bien et c’est surtout grâce au toucher et l’extrême sensibilité des coussinets au bout de leurs pattes qu’elles orientent pour percevoir  leur environnement immédiat.

Ce sont en réalité des animaux craintifs qui ne mordent qu’en dernier recours et qui utilisent essentiellement leur force physique pour maîtriser leurs proies, les espèces les plus venimeuses n’étant d’ailleurs par les plus grosses, au contraire. Lorsqu’elle se sent menacée, la mygale se place en position de défense en dressant ses pattes avant. Plusieurs espèces possèdent sur leur abdomen des poils extrêmement urticants qu’elles projettent pour échapper à leurs prédateurs ou dont elles tapissent l’entrée de leur nid pour se prémunir des intrus.

Une fois fécondée par le mâle via les pédipalpes qui ont également fonction d’organe sexuel, la femelle va pondre dans un terrier des centaines d’œufs sous forme de cocon. Les petits, dont elle va s’occuper, quitteront le nid à leur première mue. En effet, pour grossir, la mygale doit muer, c’est à dire quitter son enveloppe devenue trop petite pour en adopter une plus adaptée. Certaines espèces peuvent vivre 30 ans et font le bonheur des adeptes des NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie) qui les élèvent en captivité.

On trouve les espèces les plus imposantes dans les zones tropicales et subtropicales du globe, dont la plus grande est la Mygale de Leblond (Theraphosa blondi), également appelée Araignée Goliath, qui vit dans l’Amazonie et peut mesurer jusqu’à 30 cm d’envergure (le diamètre d'une grande assiette !) et peser jusqu’à 170 grammes. Il existe sans doute encore beaucoup d’espèces à découvrir et certaines ont des mœurs remarquables lorsqu’on prend le temps de les étudier, à l’image de la Mygale babouin africaine, qui piège l’entrée de son nid avec ses fils pièges, ou de cette mygale d’Amazonie qui cohabite volontairement avec une grenouille hyper toxique, la grenouille bénéficiant de la protection de l’araignée tout en se nourrissant des fourmis qui menacent les œufs et les petits de l'arachnide.

L'INJUSTE MAUVAISE REPUTATION DES ARAIGNEES !

(photo : Mygale de Leblond / Thomas PIERRE)

Mieux les connaître pour vaincre notre peur des araignées, c’est le crédo de Christine ROLLARD*, éminente arachnologue française chargée de conservation de la collection d’araignées du Museum d’Histoire Naturelle de Paris, qui figure parmi les plus grandes collections mondiales avec 26.000 espèces présentées ! En colère contre leur mauvaise réputation, la scientifique explique, dans un article du Monde, que les araignées, présentes sur Terre depuis 303 millions d’années, sont des animaux doux et craintifs et qu’en réalité seulement 10 à 20 personnes meurent chaque année dans le monde de piqûres d’araignée (et presque toujours des surinfections suite à une morsure mal soignée) et que contrairement à nombre d’autres insectes, elles ne transmettent aucune maladie.

En conclusion, et même si la mygale demeure un animal à l’aspect inquiétant, ouvrons nous au monde et inspirons nous des autres cultures qui perçoivent l’araignée de façon beaucoup plus positive. Ainsi en Afrique, elle est Anansé, divinité civilisatrice qui a apporté à l’homme les céréales et les techniques agricoles. Au Vénézuela, les indiens Piaoras vénèrent l’araignée dans leurs croyances ancestrales et la mygale est un animal sacré qui joue le rôle d’intermédiaire entre le monde des morts et celui des vivants en transmettant la sagesse des défunts. Quand vient la saison des pluies où le gibier se fait plus rare, ce peuple indigène chasse la mygale dans la jungle pour s’en nourrir. Riche en protéines, elle leur assure une source d’alimentation ‘au goût de crabe’ pendant ces périodes de disette alimentaire.

POIDS & TAILLE : de quelques grammes et centimètres selon l’espèce à 30 cm d’envergure et 170 grammes pour la mygale Goliath.

REPRODUCTION : la femelle pond plusieurs centaines d’œufs dans un nid et s’occupe des petits.

LONGEVITE : certaines espèces vivent jusqu’à 30 ans.

* PS : Anigaido a eu l'honneur d'interviewer Christine ROLLARD qui a collaboré à notre article Anigaido sur les insectes et les arachnides venimeux. Un article à ne pas manquer !