Convergence evolutive et classification des gavials, faux-gavials et crocodiles
14 Mars 2022
(Photo : en haut à gauche, Crocodile de Johnston (Crocodylus johnsoni) - Wikimedia Commons - Pbuergler - CC BY 3.0 ; en haut à droite, Faux-gavial d'Afrique (Crocodylus cataphractus sp.) - Wikimedia Commons - Public Domain ; en bas à gauche, Faux-gavial de Malaisie © Julien PIERRE ; en bas à droite, Gavial du Gange © Julien PIERRE)
Si le passionnant jeu de piste de la classification des espèces est une course de fond avec de nombreux retournements de situation où une filiation qu'on pensait acquise est soudain remise en cause par la découverte de telle mutation, tel gène ou tel nouveau fossile qui vient rebattre les cartes, ce précepte s'illustre à merveille chez ces nobles reptiles que sont les crocodiliens !
Car dans cet ordre qui compte 3 familles (les Alligatoridés, les Crocodilidés et les Gavialidae), seul l'oeil affuté de l'expert saura dénicher les infimes différences entre certaines espèces particulièrement proches. Prenez le caïman yacaré et le caïman à lunettes, le crocodile du Nil et le crocodile des marais (Asie) ou encore le gavial du Gange et les faux-gavials : même les plus éminents spécialistes peineront sans doute à distinguer ces reptiles aux morphologies et caractéristiques très proches !
Et si on considère le gavial justement, ce membre à part dans son ordre (considéré un temps comme le seul représentant actuel de la famille des Gavialidae), ça se complique encore car on lui trouve des cousins très ressemblants chez les Crocodilidés, des espèces d'une autre famille mais qui comme lui ont développé au fil de leur évolution une gueule longue et fine bien adaptée pour attraper les poissons d'un claquement de mâchoires.
Ainsi les gavials et les faux-gavials illustrent ce qu'on appelle la convergence évolutive. On trouve ces espèces de 'crocodiles à bec' qu'on pourrait aussi appeler 'crocodiles fines gueules' à différents endroits du globe où ils ont développé des caractéristiques similaires lors leur évolution. Le crocodile de Johnston en Australie (où il est également appelé freshwater crocodile ou 'crocodile d'eau douce' par opposition au crocodile marin, l'autre croco australien), le faux-gavial africain et le faux-gavial de Malaisie ont comme le gavial dévelopé une gueule longue et fine.
Si ces espèces sont parfois déjà difficiles à distinguer sur la base de leurs caractértistiques morphologiques, des découvertes scientifiques récentes viennent également bousculer leur classification.
En raison de sa gueule un peu plus épaisse à la base et sa structure osseuse, les scientifiques avaient rattaché le faux-gavial de Malaisie à la famille des crocodilidés. En 2007 des scientifiques effectuent un séquençage de l'ADN de Tomistoma schlegelii et le verdict tombe : le faux-gavial d'Asie est en fait un vrai gavial. Il peut officiellement rejoindre le gavial du Gange dans la famille des Gavialidae et être renommé tomistoma, gavial de Malaisie ou encore gavial de Schlegel.
Quant au faux-gavial africain Mecistops cataphractus parfois aussi appelé crocodile à nuque cuirassée, un animal de plus en plus rare dans les rivières et zones humides des pays du centre et de l'ouest du continent, une étude de Zootaxa publiée en Octobre 2018 relayée par National Geographic a démontré qu'il se scindait en réalité en deux espèces : le faux-gavial d'Afrique de l'Ouest et le faux-gavial d'Afrique Centrale. C'est l'isolement de la population camerounaise il y a 8 millions d'années qui aurait provoqué ce schisme, avec une espèce ouest-africaine aux écailles plus grosses et à la peau plus épaisse. Les deux espèces de faux-gavial d'Afrique sont aujourd'hui particulièrement menacées avec pour l'espèce de l'Ouest un risque d'extinction à court terme qui peut être contré par des programmes de conservation comme celui entrepris par la Côte d'Ivoire.
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